"Conduire le changement et les transformations : guide pratique."
Le guide pratique "Conduire le changement et les transformations" explore l'évolution des pratiques RH face aux défis contemporains de la transformation organisationnelle. Il souligne l'importance de l'agilité et de l'approche expérientielle pour réussir le changement, en mettant l'accent sur les enjeux humains et l'accompagnement des collaborateurs. Le DRH, désormais acteur clé, joue un rôle essentiel dans la mise en place de méthodes adaptées et dans la gestion des impacts sociaux de la transition.
COURS
Cet essai, rédigé par M. Atti Abderrahim, formateur en marketing et en gestion des ressources humaines, propose une analyse approfondie des mécanismes du changement au sein des organisations. Avec une expertise solide, il est titulaire de deux masters : Management et Stratégie d’Entreprise et Droit de l’Homme et Libertés Publiques, ainsi que de deux licences : Gestion des Ressources Humaines et Droit Privé.
2/4/20257 min read


"Conduire le changement et les transformations : guide pratique."
La fonction Ressources Humaines (RH) doit s'adapter aux pressions et aux demandes de transformation, qu'elles soient internes ou externes. En effet, si les évolutions organisationnelles ne devancent pas les attentes des clients et des parties prenantes, l'entreprise risque de perdre sa compétitivité.
Les méthodes de gestion du changement ont progressé au cours des cinquante dernières années pour accompagner la transformation des organisations, notamment face à la révolution numérique actuelle. Les impacts humains de cette transition digitale sont majeurs. Pour devenir un véritable « acteur du changement », la fonction RH doit aller au-delà des approches classiques et privilégier une méthode expérientielle, centrée sur les acteurs impliqués, qu'il s'agisse des managers ou des collaborateurs. En encourageant la co-construction du changement, la fonction RH facilite sa mise en œuvre et assure son succès.
A. Les modèles de conduite du changement (CdC)
La manière d'aborder la conduite du changement (CdC) a considérablement évolué depuis ses débuts dans les années 1960.
A.1. Le modèle de Kotter
Kotter a développé un modèle en 8 étapes pour assurer la réussite durable du changement au sein d’une organisation, présenté dans Leading Change (1996) :
1. Instaurer un sentiment d’urgence. Il est essentiel que tous les acteurs soient convaincus de la nécessité et de l’urgence de la transformation. Cette étape vise à susciter la motivation initiale et conditionne le succès des phases suivantes.
2. Former une équipe de pilotage composée de leaders du changement. Identifier et intégrer des individus influents au sein de l’organisation, que ce soit par leur statut, leur expertise ou leur charisme. Leur rôle sera de maintenir l’urgence et de renforcer la nécessité du changement.
3. Élaborer une vision et une stratégie. Cette étape permet de définir une vision claire et une stratégie précise, afin que chaque acteur comprenne son rôle et les raisons de la transformation. Le groupe pilote se charge ensuite de les diffuser.
4. Communiquer la vision du changement. La communication autour de la vision doit être constante et cohérente. Toutes les actions entreprises doivent être alignées sur cette vision.
5. Responsabiliser les collaborateurs. La mise en œuvre de la vision repose sur l’autonomisation des acteurs, qui deviennent des relais essentiels pour diffuser le changement à travers l’entreprise. Cette responsabilisation doit être soutenue par des pratiques alignées sur la vision.
6. Obtenir des résultats rapides. Des succès à court terme permettent de maintenir la dynamique et de renforcer la motivation des acteurs engagés, tout en réduisant les résistances. Ces victoires doivent reposer sur des objectifs réalistes et atteignables.
7. Consolider les acquis et amplifier le changement. Les succès initiaux servent de leviers pour approfondir la transformation. Chaque résultat doit être analysé pour identifier les bonnes pratiques et les axes d’amélioration, favorisant ainsi une démarche d’amélioration continue.
8. Ancrer les nouvelles pratiques dans la culture d’entreprise. Le changement s’intègre progressivement dans les processus et la culture organisationnelle. Ce qui était initialement une transformation devient la nouvelle norme, validée par les résultats obtenus.
Cependant, cette approche instrumentale de la conduite du changement ne répond pas pleinement aux besoins expérientiels des collaborateurs ni à la nécessité croissante d’agilité dans les organisations
A.2. Le modèle de changement agile
Pour répondre aux impératifs d’agilité, de collaboration et d’approche expérientielle dans un environnement digital, David Autissier a introduit un nouveau modèle de gestion du changement, baptisé « Changement agile », qui s’inspire des méthodes agiles. Ce modèle se structure en trois phases : « Définir », « Expérimenter » et « Ancrer ».
1. « Définir ». Cette étape vise à clarifier le changement pour toutes les parties prenantes, afin qu’elles comprennent leur rôle dans le processus. Un diagnostic est réalisé pour identifier les transformations nécessaires, les acteurs impliqués, la culture organisationnelle et les points de friction.
2. « Expérimenter ». Cette phase se décompose en deux cycles : un cycle d’ateliers et un cycle de pilotage. Le cycle d’ateliers inclut des sessions participatives, des expériences pratiques et des moments de formation. Le cycle de pilotage permet d’évaluer l’avancement du changement grâce à des enquêtes. L’outil ICAP (Information, Compréhension, Adhésion, Participation) est utilisé pour mesurer ces indicateurs clés.
3. « Ancrer ». Il s’agit de suivre l’ensemble des projets contribuant à la transformation globale de l’entreprise. Ce suivi peut être assuré par une structure dédiée, telle qu’une cellule interne de pilotage de la transformation.
Le modèle de changement agile permet de répondre à deux enjeux majeurs actuels : la dimension collaborative et la transition digitale.
B. Les enjeux humains du changement
Tout projet de transformation a des répercussions significatives pour l’ensemble des collaborateurs, qu’ils soient directement ou indirectement concernés. Ces impacts doivent être anticipés afin de réduire les résistances au changement et de limiter les risques psychosociaux.
B.1. Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements
Les conséquences humaines et sociales des projets de transformation sont souvent négligées dans le processus décisionnel. Même lorsque les changements sont soigneusement planifiés, leur mise en œuvre peut être perçue comme brutale en raison d’une sous-estimation de leurs effets. Il est essentiel de précéder toute initiative de changement majeur par une étude d’impact humain. Cette analyse doit évaluer les répercussions sur les salariés, incluant les risques psychosociaux et les besoins en compétences, tout en associant l’ensemble des parties prenantes. Une telle anticipation permet de mieux prévenir les résistances et de faciliter l’adhésion au changement.
B.2. Les résistances au changement
Peu importe la nature des changements, leur mise en place dans une organisation peut provoquer des résistances. Ces résistances se traduisent par une réticence à modifier ses comportements. Elles peuvent se manifester à titre individuel ou collectif, de manière active (par exemple, par l’opposition directe : rejet des nouvelles normes, changements d'horaires, nouvelles méthodes de travail, changement de poste ou de lieu de travail, critiques, plaintes, voire sabotage) ou passive (opposition moins évidente : maintien du statu quo, ralentissement du travail, rumeurs).
Cinq phases de résistance sont généralement observées :
Le refus de comprendre.
La résistance sous diverses formes : inertie (remettre le changement à plus tard), argumentation (débattre de la pertinence du changement), révolte (manifestée par un excès de zèle visant à prouver l’échec du changement).
La décompensation, lorsque la personne prend conscience de l’inutilité de sa résistance. Cela peut se traduire par de l'absentéisme ou une démotivation.
La résignation, où l’individu accepte le changement, souvent contraint.
L’intégration, lorsque l’individu cesse de se concentrer sur les inconvénients du changement et commence à en percevoir les bénéfices.
Lors d'un processus de changement, chaque salarié traverse ces étapes à son propre rythme. Le manager a un rôle crucial dans l'accompagnement de chacun, en veillant à réduire les risques psychosociaux. La confiance organisationnelle est un élément clé pour assurer le succès du changement.
B.3. Risques psychosociaux liés aux changements
Les transformations organisationnelles peuvent entraîner des risques psychosociaux (RPS), tels que le stress, les tensions interpersonnelles, l'anxiété, ou le mal-être général. Ces risques sont souvent associés à de nouvelles exigences professionnelles (augmentation de la charge de travail, pression accrue, complexité accrue, difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle) et peuvent se réduire avec le temps. Toutefois, si les changements sont fréquents, les RPS ont tendance à s'intensifier par effet cumulatif, et les salariés peuvent se sentir saturés par ces évolutions constantes.
Les risques psychosociaux sont particulièrement élevés lorsque les habitudes et méthodes de travail sont modifiées. Ces changements nécessitent un accompagnement spécifique. La communication autour du changement joue un rôle crucial pour maintenir la confiance, prévenir les rumeurs, rassurer les employés et éviter toute interprétation négative. Elle doit être relayée efficacement par la direction et les managers.
C. Le DRH : Acteur clé du changement
Les Ressources Humaines, longtemps peu impliquées dans les méthodes traditionnelles de gestion du changement, jouent désormais un rôle crucial dans la démarche agile du changement expérientiel. Pour devenir véritablement « champion du changement », la fonction RH doit évoluer en abandonnant les approches classiques au profit de méthodes plus expérientielles.
Dans le passé, la gestion du changement (CdC) était largement externalisée et confiée à des consultants externes. Aujourd’hui, les entreprises prennent conscience de l'importance de l'internaliser, de créer des structures internes dédiées, et de développer des démarches et outils adaptés, parfois sophistiqués. La fonction RH est directement impliquée dans cette internalisation de la gestion du changement. Elle participe activement à la définition des référentiels de compétences liés au changement et propose des formations pour les responsables et les managers.
Le DRH, en tant que promoteur des réseaux d'apprentissage, doit impliquer un large éventail de collaborateurs afin de réussir des changements profitables et des avancées significatives en termes de performance. L'intégration des salariés dans le processus de changement permet de passer d'un premier niveau de transformation (modifications de contexte, de méthodes, de compétences) à un second niveau (transformation de l’identité, de la culture). Ainsi, l’entreprise devient plus agile et mieux préparée à répondre à un besoin constant d’innovation.
Développer une entreprise agile et innovante, en encourageant des comportements agiles et créatifs à tous les niveaux de l’organisation, constitue un véritable défi pour les DRH. Comprendre les facteurs qui influencent les comportements innovants est essentiel pour mettre en place des pratiques favorisant ces comportements, et ainsi améliorer l’efficacité et la compétitivité des organisations. Ces comportements de citoyenneté organisationnelle naissent d’une relation réciproque avec l'employeur et du respect mutuel des valeurs.